vendredi 28 août 2015

Lucky Leek, Berlin

Troisième et dernier repas berlinois de mon séjour, ce 2 mai au soir, et ce soir-là, une véritable première!



Si quand on pense à l’Allemagne, on pense naturellement à bidoche et bibine, on remarquera assez rapidement, comme expliqué dans mes deux précédents articles, qu'à Berlin, c'est une autre histoire. Une autre histoire à tel point que Berlin est devenue, si j'ose dire, presque une capitale européenne du véganisme. Pour la faire brève, si vraiment il faut l'expliquer, il s'agit de ce mode de vie rejetant catégoriquement toute forme d'exploitation animale (nourriture, cosmétiques, vêtements, etc....). Une tendance marginale qui, à Berlin, a su prendre racine et faire de plus en plus d'adeptes véritablement vegan ou simplement offrir quelque chose de différent à qui correspondrait à l'appellation actuelle de flexitarien. Et généralement comment faire des adeptes ou sympathisants? eh bien simplement en proposant des restaurants qui démontrent que la gastronomie et le goût n'est pas réduit au ingrédients d'origine animale et que goûts, couleurs, textures, voyages et découvertes sont bien présents dans une cuisine vegan, qu'elle soit simple et ménagère comme gastronomique.



Notre destination du soir a mis à genoux plus d'un viandard, et malgré la tendance profondément « viande » de deux des convives à notre table, c'est (et de loin) le restaurant qui a remporté le plus de succès, élevant la cuisine vegane à un niveau de gastronomie vraiment haut. D'ailleurs, la communauté végane à échelle internationale connaît ce lieu, géré par la jeune cheffe, Josita Hartanto, nommé le Lucky Leek.



Josita Hartanto n'a pas ouvert un resto vegan par hasard. Elle a travaillé comme chef dans l'un des premiers restaurants végétaliens à Berlin avant d'ouvrir son propre restaurant. Très vite, elle a reçu un accueil des plus réjoui de la communauté végane et plus encore. Voila aujourd'hui bientôt 5 ans que l'adresse existe et ne désemplit pas. Ingénieuse, créative et inspirée, qui ne cherche pas, comme beaucoup le font, à « imiter » la cuisine classique, mais mêle, créé, agence avec suffisamment de sagesse et de savoir-faire pour que l'absence que quelque produit d'origine animale passe inaperçu. elle a su faire répandre son nom internationalement, aidée qui plus est pas les livres qu'elle a publiés, très beaux livres au demeurant, malheureusement introuvables en une autre langue qu'en allemand.



Bien que situé non-loin de notre première étape de notre séjour berlinois, donc de la nerveuse Eberswader Strasse, rien n'y paraît: encadrée de larges trottoirs parcourus d'arbres, la Kollwitzstraße donne l'impression d'une rue de banlieue sans histoires, résidences, petits magasins, restos, parmi lesquels se trouve le Lucky Leek. Une belle terrasse fort bien aménagée, entourée de d’arbustes variés dans des bacs en bois, mobilier noir ou bois, chemins de nappe jaune, cette dernière aurait été bien agréable s'il n'avait pas fait si froid. Les grandes vitres laissent deviner une lumière chaleureuse à l'intérieur, et une décoration dans les tons.



À peine entrés, nous nous retrouvons devant un bar fleuri, une statuette du Bouddha,et des serveurs souriants. Les murs sont blancs, ponctués d'autocollants noirs à motifs végétaux, parfois de panneaux écrits en français ou en anglais; un peu partout, des plantes. Une petite salle sur la gauche, dont une paroi revêt un beau miroir. En longeant le bar, on montera quelques marches décorées d'une très jolie étagère à vin pour arriver sur un mi-étage aménagé en salle. De petites tables de bois foncé, dressées simplement mais élégamment, entourées de sièges noirs. Les cuisines se trouvent en sous-sols et exhalent de parfums appétissant. Une ambiance vraiment plaisante.






Le restaurant est comble, familles, amis, couples, toutes générations confondues. On est néanmoins vite et chaleureusement pris en charge et menés à notre table. On nous apporte les cartes et nous propose à boire.

Un coup d’œil à la carte à suffi à me réjouir. Changeant à l'envie de la cheffe, il n'y a que deux choix à faire, un troisième subsidiaire: le menu 5 plats ou le menu 3 plat, toujours présentés comme des triptyques, tous deux proposés avec vin d'accompagnement. ça sent le frais, la saison, la créativité, la spontanéité et le travail. Aussi allons-nous découvrir l'entier de la carte, puisque 3 convives choisiront le menu 3 plats (dont un convive avec vin d’accompagnement) et pour ma part, je prendrai le menu 5 plats. C'est donc un aperçu de l'entier de la carte que nous allons pouvoir explorer.

On commencera par un très joli duo de mises en bouche: d'un côté, une quiche aux épinard très riche en saveurs, pâte fine saupoudrée de sésame, légèrement rougie à la tomate, ce qui pourrait presque donner l'illusion de jambon, une liaison savoureuse maintient les épinards (frais, au goût) pour une bouchée parfaite. La seconde mise en bouche est présentée dans une cuillère. Il s'agit, sur le fond, d'un houmous volontairement laissé assez grossier et pas franchement mixé (fait clairement avec des pois chiches secs et non en boîte, le goût ne trompe pas), augmenté d'herbes et de morceaux de tomate, ainsi que d'une bonne huile d'olive. Plantée dans cette préparation, une longue lamelle de concombre farcie de fromage frais et crémeux de soja aux herbes. C'est vraiment savoureux, gourmand et déjà, dans ces amuses bouche se trouve un très grand travail.


Puis le repas commence. Je serai seul avec une assiette en face des yeux au début: forcément, c'est le jeu quand on prend un menu plus long que le reste de la table.

Nommée « Maki de betterave cuite, concombre au miso, lentilles beluga », c'est une très belle assiette qui m'arrive (la photographie ne lui rend pas justice). Au centre de l'assiette, les makis font très envie, un riz bien fait, vraiment à la japonaise, justement vinaigré entoure une douce et moelleuse betterave cuite et découpée en tronçons. Autour, une bonne feuille de nori, le tout enrobé d'une très fine chapelure « panko » au sésame. On ne sent rien de gras, rien de frit, malgré (naturellement) que cela soit passé dans la friture. Le concombre au miso est cru, froid et mariné. Il garde un peu de croquant et derrière la fraîcheur du légume, la délicatesse d'un miso blanc pour un accord savoureux, saupoudré de panko au sésame apparemment légèrement rôti. Ces lamelles trônent sur un peu de lentilles beluga cuites à la perfection, aux saveurs d'épices difficilement identifiables. Le tout est entouré de quelques pointes de mousse de betterave et de concombre, du gingembre mariné maison en juliennes, une longue et fine julienne de betterave délicatement frite, deux lamelles d'avocat et une sauce soja légèrement vinaigrée. Cette assiette m'a particulièrement intéressé car sans connecteur logique entre les ingrédients dans l'intitulé, cela forme un ensemble étonnant qui m'a donné un plaisir assez inattendu.


Avec cette assiette, un vin du domaine Weegmueller, famille aux lointaines origines helvètes, un Weisser Burgunder 2012, blanc sec et joliment fruité, sensiblement pétillant, aux notes légères de framboise.

2ème vague de plats.

L'entrée du menu 3 plats est une crème de fenouil remarquable, aux saveurs riches et équilibrées, bien épicée, avec une pointe d'agrume offrant un joli pep's de l'huile piquante. Sur le côté de l'assiette, une cuillère contient une marmelade de carotte étonnante, pas trop sucrée, avec toujours un caractère « racine » mais d'une grande gourmandise, sur laquelle se trouve une boulette de champignon shiitake moelleuse, croustillante autour, à la saveur intense, presque viandesque, propre à ce champignon, qui parviendrait probablement à tromper un amateur de viande. Une très belle assiette!




Ma seconde entrée sera un « consommé printanier ». Bouillon de légumes tout à fait savoureux, augmenté de dés de tomate, d'oignon frais et de basilic jetés au dernier moment dans l'assiette. au centre, un cannelloni à la pâte fine et fraîche de très belle facture, farci d'une préparation épaisse et liée au pak choi d'une très grande gourmandise. Beaucoup de finesse dans les saveurs.
Nous partagerons le même vin pour les deux menus , un vin de la maison Neumer à Uelversheim,  2013. Un Sylvaner vif et frais, aux notes d'agrumes et à la finale douce.


Puis ma troisième entrée arrive, à nouveau très esthétique et de saison: au centre du mets un risotto qui, s'il était peut-être (très) sensiblement un peu surcuit à mon goût, avait une saveur magnifique. Lié avec une crème de petits pois, riche en ail d'ours et augmenté de lamelles d'asperge verte, c'est un hymne à la saison et au manger local juste augmenté d'un twist étonnant mais concluant de cardamome verte. Alentour, on trouvera des feuilles d'ail d'ours, des pointes d'asperges blanches, des juliennes de carottes, des vermicelles de riz frites et une croquette délicieuse de champignon de Paris. Un bonheur qui sera accompagné d'un verre de Riesling de la Weingut Immich Batterieberg, « Mosel Riesling Kabinett », 2013, un vin assez pétillant, très minéral, aux notes de pomme verte.


Puis viennent les plats. Les autres convives auront des raviolis « Mezzelune » à la tomate, une pâte à nouveau clairement fraîche et faite maison, vraiment très bien réussie, barbotant dans une sauce au paprika savoureuse et gourmande. Trône au-dessus de cela une feuille de chou chinois à la farce qui me restera étrangère mais qui développera d'étonnantes saveurs de saucisses au chou (je rappelle que l'on est dans un restaurant vegan). Pour compléter l'assiette, des légumes grillés (courge, courgette), un peu de chou chinois juste revenu et une brunoise de courgettes et poivrons, juliennes de carottes. Pour dérouter encore un peu plus, une croquette de « feta » vegan à base de tofu dont la texture est véritablement trompeuse et des saveurs joliment acidulée qui pourrait faire illusion. Une assiette impressionnante dont le vin d'accompagnement sera, cette fois, italien, de la maison Tenuta de Angelis, un Rosso Piceno Superiore DOC 2010, assemblage de Montepulciano et de Sangioviese couleur rubis, très porté sur le fruit rouge assez concentré, cerise, baies sauvages, avec une belle structure et un bon équilibre.


Mon assiette n'aura toutefois pas à rougir de cette dernière; elle aura comme ingrédient central le seitan. Ceux qui me suivent ou me connaissent un peu savent que je suis un amoureux d'une drôle de bête, le seitan, présent en plusieurs endroits sur mon blog, avec deux méthodes de fabrication, ici, et (augmentée d'une recette), et probablement l'un de mes plus gros délires que vous trouverez par là.
Il se présentera donc ici sous forme de tournedos. Le seitan, devenant si facilement gommeux au point où parfois on peut avoir l'impression de mâcher du pneu, est ici réalisé à la perfection. Il a une saveur très délicate, sans doute préparé dans un bouillon aromatique puis grillé de parts et d'autres, entourée d'une fine tranche de courgette pelée (donnant l'illusion du gras du tournedos) et placé sur une crème d’artichaut d'une très grande finesse. De l'autre côté de l'assiette, une "tartelette" d'aubergine. A nouveau entourée d'une rondelle de courgette, une superposition de fine pâte un peu sablée et d’aubergine très moelleuse pochées à nouveau dans un bouillon très parfumé. Viennent compléter le plat un coulis de tomate très concentrée et goûteuse, une petite confiture d'airelles et d’oignons, une petite ratatouille, des morceaux de fenouil légèrement frit . Le tout formant presque étonnamment un ensemble très cohérent pour énormément de plaisir. Splendide!
Un Bordeaux pour accompagner ce plat, un château le Bel « Franc de Bel », 2012, pur Cabernet Franc de petite production, agréablement boisé, un peu toasté, frais et fruité, d'une grande élégance.



Non qu'il fasse encore faim, un tel repas mérite un dessert! Dessert qui n'auront rien à envier, d'ailleurs, à ce qui les a précédé.

Les « petites dîneuses » auront droit à une « tartelette choco-cassis », presque semblable à une tourte, alternant de très fines couches de génoise excellents et de masse mousseuse de chocolat intense et de cassis frais, le tout sur un feuilleté-caramélisé. A côté, une quenelle d'une régressive glace au cookie, le tout est complété par une mousse au lait de coco et un cube à la framboise, avec une petite présence d'un fantastique crumble à la pistache. Un dessert beau et savoureux. En accompagnement, un rouge doux, dont la référence m'a échappé.





Pour ma part, une quenelle de glace caramel sur un même crumble à la pistache encore tiède. Une sorte de macaron savoureux au chocolat intense farci de cette savoureuse mousse de coco, nappée de sauce caramel très foncé (faisant penser à du fudge), de couronné de dés de carambole qui, ici et pour une fois, n'est pas employé juste pour son esthétique mais pour le côté frais et parfumé qu'il apporte. Enfin, un dé fondant aux saveurs de banane grillée surmonté d'une rondelle d'orange caramélisée. Formidable, accompagné d'un Riesling doux dont les références me manquent, mais qui fut parfait avec ses saveurs très fraîches derrière un certain gras.





Malgré la quantité des plats et de vins, il faut souligner que c'était un repas irréprochablement bien rythmé, encadré d'un personnel serviable, d'un très grand professionnalisme, sans oublier la pointe d'humour et les tentatives ma foi plutôt bien réussies de nous parler français.

Vous l'aurez compris, Lucky Leek est le coup de cœur général de ce séjour. J'appréhendais surtout cette visite pour mes convives; que nenni, elles on adoré en tout point. Bluffés jusqu'à l'os par cette créativité, cet esthétisme et finesse, on oublierait presque que l'on se trouve dans un restaurant vegan, donc que tout ce qu'on a consommé ce soir fut sans la moindre utilisation de produit d'origine animale. Le seul indice serait peut-être que même après tout cela, on ne se sent pas "tassé", mais réjoui et confortable.

On fera durer un peu le plaisir avec du très bon thé, servi en vrac, deux sencha, et un Earl grey. Avec les boissons, ce repas nous reviendra à EUR. 211.80.

Lucky Leek n'est pas un lieu qui laissera flegmatique. On y sera surpris, réjoui, interpellé. Bref, je doute que l'on puisse rester insensible à ce lieu.

Kollwitzstraße 54
10405 Berlin
Allemagne

mercredi 1 juillet 2015

Schneeweiss, Berlin

 
Le Schneeweiss a su se faire une jolie réputation dans le monde gastronomique berlinois et son nom est assez fréquemment cité dans des blogs, guides ou journaux: dans le top 10 des restaurants alpestres de Berlin, dans le TimeOut Berlin et j'en passe, qui en parlent tous en des mots plutôt encourageants tant question cuisine que cadre.

Nous voilà donc en plein Berlin Est, dans le quartier de Friedrichshain. Un quartier assez surprenant par ailleurs. Un grand centre ferroviaire dans le coin, alentours entre terrains en friche, bâtisses délabrées et chantiers de construction.
Plus au sud, on se rapproche du Spree, des bâtiments modernes côtoyant le rougeoyant prussien et, tout le long de cette rivière, la fameuse East Side Gallery, morceau du mur de Berlin de quelques 1.3km ayant servi de support d'inspiration a un nombre remarquables d'artistes de rue, y laissant s'exprimer, dans le silence des graffitis, tantôt poésie, tantôt dureté, tantôt humour, tantôt gravité. C'est la plus grande galerie continue d'art de rue méritant véritablement un détour, d'autant qu'elle est aujourd'hui menacée par les grapheurs médiocres et irrespectueux ainsi que par les agences de construction.
Plus au nord, du côté où se trouve notre destination du soir, des quartiers plus calmes de restos, bistrots ou logements.

Dans ce cadre spécial et bigarré se presse une foule dense qui l'est tout autant, franchement axé sur l'alternatif. Aujourd'hui, c'est jour de fête: le 1er mai est une institution indétrônable à Berlin et c'est à Friedrichschain (ou Kreuzberg) que cela se passe ! Concerts en rue, bières coulant à flots, police prête à agir (un vrai bataillon qui, bien qu'équipés pour la chasse au grizzly, sont plutôt bonhommes et ne font pas pression, restant simplement dans leurs fourgons.

C'est donc du côté nord que nous serons. Simplonsstrasse, on a l'impression d'être sur la voie principale d'une banlieue résidentielle: peu de voiture, des parcs partout, de jolies maisons, c'est extrêmement calme et on ne peut que penser que de vivre là doit être un bonheur. Un écrin de paix où Blanche-Neige a su imposer une image nouvelle.




Car oui, c'est bien là la traduction de Schneeweiss qui d'ailleurs joue sur deux plans avec un tel nom, les deux plans soigneusement imagés en deux logos différents. L'un fait référence à la cuisine alpestre servie dans les lieux, avec un logo dont l'arrière plan, représentera schématiquement un pan de montagne dans un hexagone (rappel des flocons de neige). C'est d'ailleurs le logo « officiel » que l’on verra sur la potence à l'extérieur, extérieur qui brillera d'ailleurs par sa discretion. Dès l'intérieur, on trouvera le logo « alternatif », forcément inspiré du conte bien connu, mais signalant clairement un côté décalé du lieu, car il s'agit d'un nain de jardin blanc tirant un doit d'honneur à son public, esquissant un petit sourire narquois. En gros, d'emblée, j'aime !


ON entrera dans un écrin virginal, élégant, juste rehaussé par un parquet et des chaises sombres. Des banquettes en cuir blanc confortables, petites tables carrées, élégamment dressées et comportant toutes un petite ensemble floral aussi blanc que le reste. Au plafond, un magnifique lustre de feuilles de cristal ajoute en élégance et participe à faire de ce lieu un endroit lumineux et sophistiqué.




Je vais être obligé de faire une aparté négative immédiatement. Ayant réservé via le système Open Table, le serveur qui nous accueille nous rappelle immédiatement avec beaucoup de nonchalance et un ton peu aimable que les tables « opentable » ne sont disponibles que 2 heures durant et nous fait bien comprendre qu'il allait veilleur au grain pour que l'horaire soit respecté. Si tout au long du repas nous avons été servis par un personnel charmant, souriant, professionnel et serviable, sans jamais se sentir stressé, le même personnage, semblant apprécier faire le sale boulot, viendra au terme du repas nous présenter la porte de sortie. On ne laissera toutefois pas cela gâcher la soirée, c'est bien peu, mais c'est une attitude que j'ai trouvée des plus déplaisante !

Enfin... nous voilà à table et le relais est déjà pris par une charmante serveuse qui nous porte les cartes et nous proposera un apéritif. A la table, un coca et trois cocktail du moment, le « Jäger Negroni », composé essentiellement de prosecco et de Jägermeister (dont l'histoire mérite d'être lue), mêlé de sirop d'herbe (dont je n'ai pas pu trouver la composition). Un cocktail frais, élégant, très équilibré entre amertume et douceur, très plaisant.


On en profitera naturellement pour commander l'eau et les deux verres de vin qui accompagneront le repas, un rouge nommé INK, assemblage de pinot noir, Schwarzriesling, Dornfelder, Syrah et Grenache, du domaine Friedrich Becker Junior (2011), un vin élégant et équilibré, aux riches notes de cassis.

Consultant la carte, on se réjouira de la voir petite et datée à la semaine, proposant une cuisine « alpestre » fraîche et de saison, raffinée et typique tout à la fois, un rien imaginative et à tarifs tout à fait corrects ! Le choix ne sera pas facile à faire mais on se lancera ! A peine commandé, on nous portera une jolie corbeille de pain, l'un très foncé, au levain et parfumé d'épices semblables au pain d'épice mais en plus discrètes, l'autre mi-blanc tout à fait appréciable. Ils sont accompagnés d'un beurre à la betterave excellent et de crème aigre.


En entrée, deux convives se partageront un onglet de bœuf, asperges, morilles et échalotes au vinaigre. Ce n'est pas réellement une entrée mais une catégorie de plat qui est en portion réduite, que le restaurant appelle Zwischengang. Une petite tranche d'onglet tendre à souhait, cuite rosée, trône en maître sur deux tronçons d'asperge blanche savoureuse entourée d'échalotes au vinaigre doux.. Un jus de viande corsé légèrement aigre-doux ajoute en gourmandise à ce plat esthétique. Une belle réussite.

Un troisième convive choisira la simple salade de feuilles, joliment garnie, fraîche et colorée, avec une délicate et légère vinaigrette très plaisante.


Pour ma part, je me laisserai séduire par une assiette de calamaretti, Cecina, chicorée de trévise, mozzarella de bufflonne et tomate. Une assiette très graphique, grande et ronde, avec le contenu se concentrant en arc de cercle riche en couleurs et reliefs. Sur un lit de fine chapelure (sans doute les restes du pain servi, intelligemment transformé et réutilisé) se dressent des monticules de feuilles de salade fraîche et deux feuilles de trévise, le tout assaisonné d'une splendide pesto. Centrée, une tomate dodue et goûte débitée en un cube régulier devancé par une mayonnaise bonne, assaisonnée sans pour autant que je sois parvenu à déterminer les saveurs. Quelques fines lamelles de Cecina, une viande séchée de bœuf très réputée provenant de León, en Espagne, de saveur exceptionnelle. De la mozzarella de bufflonne, riche en goût, magnifiquement crémeuse est parsemée de-ci de-là et enfin, les calamaretti sont arrangés après avoir été juste surpris, comme il se doit, leur donnant une tendreté parfaite. Et tout cela forme un ensemble tout à fait réussi, où les saveurs et les textures se lient pour arriver à un résultat des plus réjouissant. Une très belle assiette !

Côté plats, à nouveau trois convives choisiront le même plat, soit les raviolis maisons à la courge, noix et herbes fraîches. Une belle assiette, élégante et raffinée, offrant une portion généreuse de raviolis à la pâte de texture parfaite, une farce gourmande où la courge est très présente. Le tout est recouvert d'une béchamelle plutôt légère et de belle saveur tandis qu'une intelligente écume de fromage assez corsé vient couronner le tout. Intelligente car par ce procédé d'écume, l'équilibre des goûts est parfait tandis que « pur », cela aurait eu tendance à devenir trop salé et trop lourd en saveurs. En décoration, quelques feuilles d'épinard, un bouquet de scarole et voilà un plat très réussi.


Pour ma part, c'est du flétan de Groenland (ou flétan noir; un poisson que l'on trouve assez peu par chez nous), asperges vertes, romanesco et pop corn au boudin noir. Assiette tout en délicatesse, où de fins tronçons de poisson cuit à la perfection apparemment vapeur ou peut-être sous-vide, chair ferme et fondante, assez proche du colin et à la saveur douce, se perdent dans un amoncellement élaboré d'asperges vertes et de romanesco qui ont gardé du croustillant. Le pop corn, parsemé de ci de là exhale une saveur vraiment intéressante et apportent du croquant au plat. Le tout est légèrement baigné dans une petite et légère sauce crémeuse augmentée de gouttes d'une huile d'olive mêlée d'herbes donnant du relief au plat. Une très belle réussite.

Les raviolis tassant plus que le poisson, je serai le seul à prendre un dessert « complet ». Deux convives prendront des mini crèmes brûlées, sans particularité à défaut qu'elles étaient de très belle facture.

Pour ma part, je succomberai au brownie au chocolat Callebaut, mûres, éclats de chocolat et crème glacée au chocolat blanc. La Maison Callebaut est probablement l'une des maisons les plus renommée de chocolat belge, que même les grands chefs vont volontiers favoriser, au même titre que Valrhona. La présentation est très agréable et travaillée. Au centre de l'assiette, un carré de gelée cassante de mûre (fait à l'agar-agar) sert de marchepieds à un brownie généreux, sombre, moelleux et fondant. Le chocolat est de très belle qualité et bien présent pour un ensemble pas trop sucré. Une quenelle de glace au chocolat blanc couronne le tout. Savamment répartis dans l'assiette, mures, pop corn chocolatés, sorte de crumble et pointes de gelée de pomme viennent compléter le tout pour un mélange savoureux et réconfortant.



On finira ce très beau repas avec un thé, pour une addition de 160.80 euros.

Malgré un début et une fin de service mouvementés et, peut-être, un peu fâcheux, il faut souligner la qualité des serveuses qui, tout au long du repas, se succéderont tout en discrétion pour répondre à nos moindres besoins. Un service sûr dans un établissement au décors assez exceptionnel où les papilles ne seront assurément pas en reste. Si l'on peut tirer leçon de cette histoire, prudence quand on s'engage à respecter un temps imparti pour un repas !

Simplonstrasse 16
10245 Berlin
Allemangne

dimanche 24 mai 2015

Prater Garten, Berlin

Cela fait plusieurs années que je voulais aller à Berlin, sans pour autant parvenir à m'en créer l'occasion: entre histoire, culture, diversité, architectures... il y avait amplement de quoi faire! Et c'était sans compter le monde de la table!
Forcément, de loin, on pense Allemagne, on pense cuisine, on pense viande, saucisse, Schnizeln, Torte, le tout arrosé d'un bon bock de bière. Pour être allé à Münich il y a déjà bien 8 ans, Freiburg il y a 6 ans, il faut bien avouer que cela répondait jusqu'alors plutôt bien à l'image avec, comme variation essentielle, la cuisine turque qui prendra surtout la forme du döner. N'oublions pas en effet que l'Allemagne aujourd'hui est le pays qui possède la plus grande communauté turque hors de Turquie.

Berlin, au même titre que l'essentiel des grandes capitales du monde, n'est pas vraiment représentative de bon nombre d'idées préconçues sur ce pays, notamment sur la cuisine. Il n'y a pas vraiment de ces Biergarten ultra traditionnels pour ne citer qu'un exemple mais on les verra plus volontiers un peu modernisés, retravaillés, revisités, tant dans le cadre que dans l'assiette, sans pour autant rejeter origines et traditions. Une Berlin moderne, jeune, innovante, vivante, également dans la restauration.

Fin avril, début mai, me voilà donc en bref séjour (3 jours entiers) en famille. Trois jours, c'est bref, et j'aurai à cœur de sélectionner trois tables de trois genres différents, soigneusement choisis, pour découvrir et faire découvrir à mes comparses quelque chose de nouveau. Et j'espère maintenant vous faire découvrir ce visage de Berlin.

30 avril 2015, après une première journée de balade à travers un Berlin au temps un peu mitigé, à la découverte de l'essentiel des sites « carte postale » mais également de la vie et de la diversité berlinoise, on fera volontiers comme premier choix gastronomique une roborative, généreuse et confortable cuisine allemande avec sa touche berlinoise.

Nous voilà donc dans la partie orientale de la ville dans le quartier fréquenté de Prenzlauer, où l'Eberswalder Strasse vous mènera, si vous vous y aventurez, au populaire Mauerpark et au mémorial du mur, un quartier qui correspond bien à l'idée que l'on pourrait se faire de Berlin Est de nos jours: jeune, alternatif, vivant et moderne, dans un écrin d'ancienneté et d'histoire. On longera quelques minutes la Kastanienallee jusqu'à ce que l'on se retrouve, sur la droite, devant une enseigne un peu décalée ouvrant sur ce qui, de l'extérieur, ressemble à s'y méprendre à un terrain vague. C'est pourtant là que l'on dînera.


On s'aventurera sur une allée dallée, entourée de terre, on croisera un parking à vélo et on s'amusera à s'approcher d'une bâtisse qui a un petit quelque chose d'habitat temporaire ou de mobilhome, au pied d’une structure industrielle en tôle ondulée. Une petite terrasse juste devant, toiles blanche et rouge, donne un côté presque comique et en même temps assez irrésistible. Mais ce n'est pas tout!



En face de la bâtisse, une grande terrasse à ciel ouvert, ponctuée de châtaigniers, au petit air du buvette, où, malgré le temps et la température, une poingée de personnes s'y rassemble. Il y a fort à penser que le lieu est bondé en belle période. Ce côté est la partie « Biergarten » du lieu, dont la naissance remonte à 1837, faisant de lui le plus vieux Biergarten de Berlin, abreuvant les habitants de diverses sortes de bières et autres boissons, ainsi que les nourrissant aujourd'hui d'une cuisine de type fast/fingerfood traditionnelle qui semble, à la lecture de la carte, savoureuse et à prix des plus dérisoires. Je ne peux qu'encourager une visite de l'onglet descriptif de leur site, qui raconte avec force détails l'histoire du lieu.



La bâtisse premièrement décrite est donc le côté restaurant, et c'est là que l'on dînera. En passant la porte, il est difficile d'imaginer ce que l'on trouvera à l'intérieur! à peine entré, on appréciera le joyeux brouhaha qui habite la salle et qui témoigne de son degré de remplissage. On notera, au passage, que le lieu sera plein du début à la fin, les tables desservies étant aussitôt repourvues. Autant dire qu'il est essentiel de réserver en avance, éventuellement de se montrer flexible sur l'horaire. En face, on remarquera le très beau et long bar, lumineux, en bois, aux verres resplendissants et surmonté de bouteilles en terre cuite, vestige des temps anciens où la bière était servie dans ces récipients. Le reste de la salle est simple et pleine de charme: parquet au sol, haute plinthes de bois foncé, murs blancs, lumières tamisée. Au fond, une estrade cerclée de rideaux et de lampes où l'on verrait volontiers se produire quelque groupe musical ou un spectacle burlesque. Un peu partout, assez serrées, des petites tables de bois, laissées nues, juste pourvues d'un pot contenant fourchettes, couteaux et serviettes en papier, et des chaises assorties, assez brutes, correspondant pleinement aux lieux.




Le personnel n'est pas nombreux en rapport au nombre de couverts et la taille de la salle, mais hyper efficace, assez jeune, vêtu de noir, ne manquant pas d'allure, souriant et disponible. On sera d'ailleurs vite pris en charge et menés à notre table au pieds de l'estrade.

La carte en mains assez rapidement, on appréciera le fait qu'elle soit datée, courte, tenant sur une page. Le restaurant a à cœur de servir une cuisine authentiquement berlinoise régie par les saisons, le marché et les envies du moment. C'est d'ailleurs l'asperge blanche qui est alors à l'honneur, en soupe ou proposée avec divers accompagnements. On trouvera des soupes, des salades, viandes en sauce ou grillée, un poisson et des desserts. Il n'y a pas vraiment d'entrée ou de plat et on remarquera que les assiettes des tables alentours sont si bien servie qu'un unique plat devrait suffire à arriver au bout du plus avide appétit. La transparence quant à la provenance et la qualité des préparations est plutôt exceptionnelle, mentionnant très clairement si tel ou tel plat contient des conservateurs, antioxydant, acidifiants ou phosphates (et il n'y en a pas des masses!). Je ne sais pas s'il s'agit d'une loi qui demande cela, mais si ce n'est pas le cas, chapeau bas! Last but not least, les prix sont vraiment dérisoires, en mettant en rapport quantités et prix de matières premières (veau, asperge, etc...).

Côté boissons, la carte ne vise à nouveau pas à l'exhaustivité mais n'empêche pas le choix. Tout sent la qualité, des bières pression et bouteilles, des vins à tendance bio/nature, une quantité gigantesque d'alcools forts et minérales, toujours dans des gammes de prix très raisonnables.

Bon, je ne me suis que déjà trop étalé dans mon introduction. Ma foi, on ne se refait définitivement pas! Mais voilà les plats et boissons commandés.

Très vite alors, on nous portera un pain mi-blanc fraîchement coupé. Ce dernier est de bonne qualité. A ses côtés, deux coupelles de crème aigre à la ciboulette simple et plaisant, posée d'entrée de jeu, que l'on consommera avec du pain dans un premier temps pour les plus affamés, et avec un des plats de la table (pris par trois des convives), que je m’apprête à décrire. Les plats arriveront après une petite attente, ce qui est tout à fait normal. Rien de trop compte tenu du remplissage de la salle et du temps de préparation des plats.



Trois convives, donc, se laisseront tenter par une proposition du moment, l'asperge. Une demi-portion d'asperge, de grosses asperges blanches parfaitement cuites, braisées et beurrées, changeant heureusement de l'habituelle cuisson à l'eau, saupoudrée au dernier moment d'un peu de chapelure. La qualité du produit est assez exceptionnelle et les quantités, pour une demi-portion, pas chiches du tout!
Dans la même assiette, trois pommes de terre toute en simplicité, bien cuites et de bonne qualité, également saupoudrées de chapelure.
Dans une assiette à côté, une portion de Schnitzeln vraiment très généreuse (qui laisse penser que si on prend comme plat une Schnitzel, on veillera à avoir vraiment très faim!). La viande, du veau comme la tradition le veut, est de belle qualité, en fine escalopes tendres et goûteuses témoignant d'une cuisson maîtrisée. La chapelure est fine et croquante, l'ensemble est justement assaisonné et servi avec un quartier de citron. Un plat qui aura beaucoup plu et auquel on ne reprochera peut-être qu'une quantité un peu élevée de beurre dans les asperges (pour chipoter).



Pour ma part, je m'intéresserai à un autre plat hautement traditionnel: le Sauerbraten. Pour utiliser une référence connue, c'est globalement les mêmes principes qu'un bœuf bourguignon mais façon allemande. Un très gros pavé de bœuf de très bonne qualité, longuement mariné dans du vinaigre et des épices (jusqu'à 48h de marinade), braisé et lentement cuit, servi dans une sauce aigre-douce de vinaigre et de bière aux épices avec un arrière goût de raisins secs. La viande est tendre, se défait toute seule, savoureuse et magnifiée par cette sauce gourmande, riche et très équilibrée en saveurs. A ces côtés, des carottes très bonne, assez beurrées à nouveau et une excellente purée très bien exécutée. Un plat réconfortant et gourmand.


J'ai commandé une petite salade à côté. Une grande assiette profonde regorgeant de feuilles diverses bien fraîches et parsemée de graines de sésame et tournesol. La vinaigrette est un petit bémol car m'a fait furieusement penser à une de ces sauces à l'italienne industrielle qui ne fait pas honneur au lieu et au contenu de l'assiette. De parfaite, elle passera à plaisante.

On constatera assez aisément que les assiettes sont si généreusement servies qu'elles arriveront au bout des appétits les plus coriaces, et cela avec beaucoup de plaisir.

Nous ne résisterons néanmoins pas à nous partager une portion d'Apfelstrudel pour le dessert. Une portion à nouveau fort généreuse d'un strudel qui n'était pas tout à fait semblable à ce que je connais du strudel traditionnel. Plutôt que d'être roulé plusieurs fois, il n'avait qu'une seule couche extérieure de pâte un peu molle (contrairement au croustillant typique et, fondamentalement, désiré). La farce, elle, est parfaite. Dés de pommes fondants, riche en noix et amandes, humidifié de compote de pommes et zeste d'agrume, excellente. Le tout est servi dans sa pataugeoire de sauce vanille de belle exécution. Il semblerait toutefois qu'il n'y ait pas une seule manière de traiter la pâte à strudel et que celle-ci n'est pas moins traditionnelle qu'une autre. Un dessert très bon et plaisant, quoiqu'on aurait apprécié, pour le coup, un peu plus de croustillant pour que cela soit parfait.

Côté boissons, eau gazeuse et plate, un coca seront les sources d'hydratation. Je ne résisterai pas à goûter à une de leur pressions, la « Prater Lager Schwarz », une bière noire presque étonnamment fluide et désaltérante, avec un joli gaz équilibré et une saveur très maltée et agréable.


Un verre de vin rouge sera pris à table, un vin du Rioja Bio « Lar de Sotomayor Tempranillo Écológica » 2011 de la Bodega Demeco De Jarauta, un vin très plaisant aux notes de cacao, de cuir et d'épices derrière un fruit riche.

Tout cela nous reviendra à quelques 124.70 euros.

Entouré d'un service efficace et agréable, on a passé, dans ce cadre particulier, un repas très plaisant et réconfortant, avec des produits choisis, très bien exécutés et généreusement servis. Le Prater Garten est une expérience d'immersion dans la vie berlinoise et promet un moment confortable et agréable, sans aucun chichi!

Kastanienallee 7 – 9, Prenzlauer Berg
10435 Berlin
Allemagne